Par Florian Cali

L’étude d’une exposition de manière approfondie nécessite de s’intéresser à tous les aspects de celle-ci : des premières correspondances entre le commissaire et les artistes jusqu’à la réception par le public et la presse (au travers des revues de presse ou des études des publics). Il est donc nécessaire de prendre en compte et d’analyser un grand nombre d’informations ; dans le cas du projet de catalogue raisonné du Centre Pompidou, ces données sont au nombre de quarante environ, correspondant à autant d’entrées pour chaque fiche d’exposition répertoriée dans ledit catalogue. On retrouve ainsi des informations telles que les dates et le(s) lieu(x) de présentation de l’exposition, les intervenants qui ont contribué à sa réalisation (commissaires, conservateurs, chargés de projets…), le nombre de visiteurs, le budget, etc. Cependant, les éléments centraux d’une exposition restent par essence les oeuvres et/ou objets exposés, auxquels il faut attacher une grande attention. Établir une liste précise des oeuvres exposées à partir de documents d’archives ou du catalogue d’exposition par exemple peut ainsi nous confronter à un certain nombre de questionnements et d’ambiguïtés. 

Au cours de mon travail de recherche au sein du projet de catalogue raisonné, l’une des expositions sur laquelle j’ai été amené à travailler a été un cas assez délicat à traiter : « Theo Van Doesburg. Projets pour l’Aubette » (qui s’est tenue entre octobre et décembre 1977 dans les espaces du Cabinet d’art graphique). L’exposition présentait en effet 30 dessins préparatoires pour les aménagements intérieurs de l’Aubette (un ensemble architectural strasbourgeois) réalisés par l’artiste néerlandais ; en outre, on pouvait y voir plusieurs panneaux documentaires présentant du texte ainsi que des photographies (de l’Aubette mais également d’autres projets de Van Doesburg), des reproductions d’oeuvres… La question s’est donc posée : ces panneaux sont-ils à considérer comme des oeuvres à part entière ou comme de la médiation ?

Cette question était d’autant plus pertinente au regard de la manière dont ils étaient exposés : la muséographie ne laissait pas supposer de différence de traitement entre le document et l’oeuvre, ces deux types d'”expôts” étant présentés côte à côte, sans réelle distinction ou hiérarchisation.

Cette ambiguïté entre oeuvre et document est d’autant plus prégnante que les panneaux réalisés par Jacques Faujour peuvent être considérés comme des oeuvres, en ce qu’ils sont des créations originales combinant plusieurs documents (photographies, reproductions, textes…).

La question de la distinction entre oeuvre et document s’est également posée dans d’autres cas comme pour l’exposition Dessins de Jean Gorin de 1977 dans laquelle étaient réunis des oeuvres sur papiers mais aussi des maquettes ou encore des carnets de dessin. Exemple peut-être encore plus frappant qu’est celui de la rétrospective de l’Oeuvre de Michel Seuphor de 1977, où divers documents étaient exposés dans des vitrines en regard des oeuvres de l’artiste, en permettant ainsi une meilleure appréhension. 

L’étude de ces exposition nous amène à nous questionner, non seulement sur la place du document, mais aussi plus largement sur la notion d’oeuvre. La question est d’autant plus cruciale dans les expositions dites « documentaires » comme certaines présentées par le Centre de Création Industrielle par exemple, qui ne présentaient que des documents (ouvrages, outils de travail, panneaux documentaires…). Cela prouve encore une fois que la notion d’oeuvre est fluctuante et dépend du contexte de présentation.

L’étude des expositions du Centre Pompidou permet ainsi d’engager une réflexion sur les pratiques curatoriales de l’époque, mais également sur celles d’aujourd’hui : est-il nécessaire de nos jours d’exposer des documents, et si oui, quelle place leur donner ? Le document doit-il être présenté pour lui-même ou en regard avec une ou des oeuvre(s) ? Ces questionnements sont d’autant plus importants qu’ils reviennent aujourd’hui dans les musées, avec une plus grande importance accordée aux documents dans les expositions temporaires, mais aussi dans les accrochages permanents. 

Florian Cali

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